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Réforme territoriale : le gouvernement à l’assaut des collectivités

Une réforme territoriale était attendue depuis longtemps. Les premiers documents qui filtrent, sur un projet de loi qui sera en discussion à l’automne, ne peuvent que rendre particulièrement inquiet. Fin de l’autonomie financière, recentralisation, disparition de la clause générale de compétence, volonté de faire disparaître les communes et les départements, opposition entre la ville et la campagne, "tripatouillage" électoral... Pour satisfaire ses ambitions électorales, la droite s’apprète à sacrifier la démocratie locale.

Même si les choses évoluent vite, et que les projets succèdent aux propositions, le projet du gouvernement de réforme territoriale commence à se dessiner.
La première chose qui frappe, ce sont les grands vides de ce projet. Rien n’est dit sur les modes d’élection, rien n’est dit sur la future répartition des compétences… Pour une réforme des collectivités locales, ces incertitudes sont tout de même gênantes, voire curieuses.

Il y a, toutefois, un certain nombre de points sur lesquelles des propositions claires sont avancées par le gouvernement, et qui suivent une logique et un principe, particulièrement curieux, voire dangereux.

- Les principes de la réforme.

L’idée essentielle de la réforme est qu’il y a trop de collectivités locales, trop d’élus, trop d’autonomie. C’est donc un discours populiste, poujadiste qui est à la base de cette proposition de réforme. Pour la première fois depuis le début de la décentralisation en 1983, une réforme des territoires se fera non pas dans un esprit de confiance vis-à-vis des collectivités, mais bien de méfiance.
A terme, l’objectif est simple : supprimer deux niveaux de collectivités, les communes et les départements, pour ne garder que la région et les intercommunalités. Le tout, au passage, en tentant un hold-up électoral sur les collectivités, majoritairement gérées par la gauche.

- Les compétences ;

A l’heure actuelle, les collectivités bénéficient de la « clause générale de compétence ». Autrement dit, elles peuvent intervenir sur tous les domaines et dossiers qui concernent leurs territoires, même en dehors du strict champ de leurs compétences imposées.
Cette clause de compétence générale est supprimée pour les départements et les régions. Les communes et les intercommunalités sont donc les seules à la conserver, avec l’Etat. C’est un recul considérable sur le champ de la libre administration des collectivités, qui perdent ainsi une bonne partie de leur autonomie. Cela risque de menacer directement certains secteurs, comme la culture, par exemple, qui bénéficie largement de subventions des collectivités.
Beaucoup de communes, trop faibles pour assumer seules l’ensemble de leurs charges, ne pourront plus aider certains secteurs ou initiatives. C’est donc bien une recentralisation qui s’installe, le gouvernement veut renforcer l’Etat au détriment des territoires.

- Les financements croisés ;

Un certain nombre de projets et d’investissements sont financés conjointement par différentes collectivités. Le tramway, par exemple, bénéficie de subventions du conseil général, de la région, de l’Etat, de l’Europe.
La réforme veut cantonner chaque collectivité dans ses strictes compétences, et rendre ainsi impossible ces subventions complémentaires. Concrètement, le département ou la région ne pourront plus verser de subvention de plus de 5 M€. Et chaque projet doit être financé au moins à hauteur de 50 % par la collectivité qui en est le maître d’œuvre. Ce qui rend totalement impossible un certain nombre de projets pour des communes petites et moyennes.

- La création de métropole ;

Nouveauté de cette réforme, la proposition de constituer des métropoles de plus de 500 000 habitants, métropoles qui réuniraient à a fois les compétences des communes, des intercommunalités et des départements.
Les métropoles dépouillent donc le département. Rien n’est dit sur les relations avec la région, et sur la représentation de la métropole au sein de l’assemblée régionale. Autre problème : cette organisation pose une fracture entre le monde rural et le monde urbain. Alors que les départements reposent sur une solidarité entre la ville et la campagne, la création de métropole opposera côte à côte des agglomérations ayant d’énormes moyens d’action financiers, et des zones rurales qui peineront à faire face à leurs compétences, et ne pourront plus assurer les services publics.

- La création de « communes nouvelles ».

Autre nouveauté de cette réforme territoriale, la création de communes nouvelles, qui ont vocation à remplacer les intercommunalités. Ces communes nouvelles se formeraient avec l’accord de la majorité des communes et des habitants. Elles seraient composées de « conseils territoriaux », qui remplaceraient les conseils municipaux actuels. Pour inciter les intercommunalités à évoluer en communes nouvelles, une incitation financière est prévue : une augmentation de la Dotation Globale de Fonctionnement de 10 % - sachant que cela se fera à budget constant, autrement dit les communes qui ne fusionnent pas verront leur DGF baisser mécaniquement.


- l’Intercommunalité ;

L’essentiel de la réforme des intercommunalités concerne le mode de scrutin. Un fléchage des candidats municipaux devant siéger à l’intercommunalité est prévu. On est loin, très loin, d’une véritable élection au suffrage universel direct des élus intercommunaux.
De nouveaux barèmes sont fixés pour la représentation des communes, en nombre de sièges. Ces nouveaux barèmes pénalisent les communes rurales, qui pour la plupart n’auront qu’un seul élu, quoi qu’il arrive, et les grandes villes et villes centres, qui seront largement sous-représentées.
Une rationalisation est également proposée, avec un seuil arbitraire d’au moins 5000 habitants par intercommunalité.


- Fusion de communes ou de collectivités ;

La loi facilite la fusion de communes, intercommunalités, départements ou régions. Si les collectivités n’amorcent pas de fusions de leur propre initiative, le préfet, au bout de deux ans, aura le pouvoir de provoquer les fusions, décision qu’il sera difficile de bloquer.


- Réforme financière ;

Concernant la dotation de solidarité urbaine, on prendra aux communes pauvres (celles qui bénéficient de la DSU) pour verser plus aux communes les plus pauvres. La DSU restera à niveau constant. Les villes riches ne sont donc absolument pas intégrées à une quelconque solidarité.
Le Fond de Compensation de la TVA, qui avait failli être supprimé l’an passé, est à nouveau menacé.
La suppression de la Taxe Professionnelle se poursuit. Il semble qu’elle serait remplacée par un autre système de fiscalité sur les entreprises, reposant pour les intercommunalité et les communes sur le foncier d’entreprise. Très concrètement, cela se traduira par une réduction très forte des marges de manœuvre des collectivités territoriales.
Aujourd’hui, pour les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale, 49 % de la fiscalité est payée par les ménages, 51 % par les entreprises. Avec la réforme, 73 % de la fiscalité serait payée par les ménages, 27 % par les entreprises.
Il deviendra très difficile aux collectivités de fixer leurs recettes. C’est un véritable étouffement financier qui est organisé par le gouvernement.

La proposition de réforme du gouvernement traduit donc une volonté évidente d’affaiblissement des collectivités. Elle repose sur l’idée démagogique et poujadiste qu’il y a, en France, trop d’élus, trop de collectivités, que cela coûte trop cher et qu’elles sont mal gérées. Pourtant, 73 % de l’investissement public est réalisé par les territoires, alors qu’ils ne concentrent que 11 % de la dette publique !
Cette réforme serait donc une grave remise en cause des politiques publiques, des services publics locaux, et menacerait directement, à très court terme, la démocratie locale décentralisée.