A l’occasion de l’Assemblée Générale de l’Association des Communautés Urbaines de France (ACUF), les présidents des agglomérations ont dénoncé avec force la réforme territoriale qui s’annonce.
Alors que l’on attendait de véritables dispositions pour renforcer la démocratie territoriale, et les capacités d’actions de nos collectivités, c’est bien d’une véritable remise en cause des institutions locales qu’il s’agit. Loin de l’acte 3 de la décentralisation espéré, la réforme proposée est, sans aucun doute, l’acte 1 de la recentralisation.
Que ce soit sur l’organisation territoriale ou sur la réforme financière, les propositions vont à contre courant. La suppression de la Taxe Professionnelle remet en cause, de facto, l’autonomie financière des collectivités, pourtant garantie par la Constitution. La spécialisation fiscale, qui attribue à chaque collectivité les recettes d’un impôt précis, pourrait conduire les communautés urbaines à renoncer au développement économique sur leur territoire. La métropolisation, qui dans la proposition du gouvernement, ne tient compte que du nombre d’habitants, ne tient pas compte des dynamiques territoriales à l’œuvre, ni des compétences exercées...
Il y aurait beaucoup d’autres exemples. S’ils ont l’air très technique, ils auront des traductions très concrètes sur le développement de nos agglomérations : moins de moyens, moins d’investissements, moins de services publics, moins de capacités à agir au plus près des territoires pour préparer une nouvelle forme de développement urbain...
Le projet de réforme territorial est construit sur un jacobinisme forcené, sur une conception poujadiste des collectivités locales qui considère que l’Etat est meilleur gestionnaire, et que les collectivités et les élus locaux ne sont qu’un gaspillage coûteux. Pourtant, alors que l’Etat est incapable de maîtriser son budget, les collectivités locales sont à l’équilibre budgétaire. Alors que l’Etat est de plus en plus incapable de faire face aux grands chantiers, les collectivités locales réalisent 76 % de l’investissement public en France. Les universités, les lignes à grande vitesse, la culture et le sport... autant de compétences qui sont du ressort de l’Etat, et que les collectivités doivent prendre en partie en charge parce que Paris ne répond plus.
Il n’y a, dans ce projet de loi, quasiment rien à sauver. Ce n’est pas là un constat partisan : Alain Juppé lui-même a tiré à boulets rouge sur la réforme des finances locales. La réforme territoriale doit donc être intégralement repensée. Cela passe par le retrait complet des projets de loi à l’étude, et une réécriture totale, en mettant autour de la table les représentants de tous les partis et de tous les niveaux de collectivités. Aucune réforme territoriale ne peut aboutir si elle se fait dans le mépris des élus locaux et dans l’ignorance des dynamiques territoriales.