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Les dessous de la politique de l’urbanisme à Brest

Face aux critiques, Thierry Fayret, Vice-président chargé de l’urbanisme, de l’habitat et du plan climat, revient sur le sens de la politique d’urbanisme portée à Brest.

J’entends souvent la même critique sur la politique de l’urbanisme à Brest. Cette critique est largement portée par l’opposition brestoise, mais elle se retrouve aussi dans l’esprit des habitants, parce qu’elle exprime aussi une forme de logique. Cependant, dans le monde complexe où nous vivons, une logique trop simple sous-estime souvent la réalité.

Explications.

La critique récurrente qui s’exprime est facile à comprendre et se base sur des faits qui ne sont pas contestés. Elle s’articule en trois points :

On observe à Brest un taux de vacance des logements de l’ordre de 6% à 8%. Cela signifierait qu’il y a une offre de logements supérieure à la demande.
La démographie brestoise chute. Sur les dix dernières années, la ville de Brest a perdu un nombre significatif d’habitants et cela devient aussi vrai sur le périmètre de notre Communauté urbaine, Brest métropole. Ce fait corroborerait l’observation sur le taux d’inoccupation des logements : moins d’habitants = moins de logements occupés.
Ce n’est donc pas en construisant plus de logements que nous augmenterions la population de Brest, mais en s’attaquant seulement à la question de l’emploi qui ferait venir des habitants sur Brest.
Conclusion évidente : la collectivité a tout faux. Au lieu de dépenser de l’argent public à construire de nouveaux logements et d’engager des ZAC afin d’atteindre un objectif loufoque de plus de 1000 logements neufs par an, elle ferait mieux de flécher les subventions sur l’économie et l’emploi.

C’est une démonstration claire et logique, presque implacable. Mais elle est fausse ! Elle pourrait être vraie si Brest était une ile comme Ouessant et que nous soyons seulement entourés d’eau, loin du continent. Mais Brest n’a les pieds dans l’eau que sur sa rade, elle est bien reliée à un territoire plus large.

Reprenons les arguments logiques, mais erronés.

Le taux de vacance des logements est un fait observé. Il n’est pas contesté. C’est plutôt la cause énoncée qui n’est pas la bonne. Là où l’on s’imagine que c’est un décalage quantitatif entre l’offre et la demande sur le territoire, l’analyse montrent plutôt qu’il s’agit d’un décalage qualitatif de l’offre sur Brest (ce constat s’observe aussi ailleurs en France). Ainsi, les logements vacants le sont, soit parce qu’ils sont en cours de transaction ou de rénovation (taux incompressible de vacance frictionnelle entre 2 à 4%), soit parce que le rapport qualité/prix du bien n’est pas acceptable dans le marché (vacance structurelle entre 3 et 5%). En d’autres termes, la vacance structurelle existe d’abord du fait de la mauvaise qualité des biens concernés, au regard du prix attendu par leurs propriétaires et non par une absence de la demande sur le marché de l’immobilier.

Mais alors, pourquoi le second argument semble venir contredire cette affirmation : le nombre d’habitants baisse sur Brest, c’est donc bien la preuve que le marché n’est pas là !

Là aussi, les chiffres de la démographie brestoise ne sont pas contestés, simplement le raisonnement oublie que les territoires de vie ne seront jamais les territoires administratifs. Les frontières administratives des communes ne sont pas étanches. Il existe une perméabilité des relations et des déplacements entre communes. Une personne peut choisir d’habiter à Brest comme à Plougerneau, Landerneau ou Crozon. Elle reste sur le Pays de Brest [1] c’est-à-dire un territoire large qui bénéficie des infrastructures et de l’emploi de la métropole, mais avec des qualités résidentielles différentes. A cette échelle, la démographie du Pays de Brest n’est pas en baisse, mais bien en croissance depuis plusieurs années.

La question n’est donc pas celle de l’inadéquation entre offre et demande locale, mais celle de la concurrence que se livrent des communes en terme d’accueil d’habitants, sur un territoire de vie commun : le Pays de Brest.

Une attractivité centrifuge sur le Pays de Brest

A ce titre, notre territoire ne déroge pas avec d’autres où l’implantation des logements et des ménages s’est faite par couronnes concentriques successives, en fonction du prix du foncier. C’est ce que l’on appelle par les jolis mots de périurbanisation, de rurbanisation ou simplement d’étalement urbain ! Cependant, il y a une spécificité supplémentaire de notre territoire que l’on pourrait appeler l’ « attractivité centrifuge ». Dans les grandes villes, classiquement, plus on s’écarte du centre-ville et moins on bénéficie de l’attractivité principale qu’est le centre urbain. Il y a donc une forme d’ « attractivité centripète » ! A Brest, plus on s’éloigne du centre et plus on se rapproche de la mer et de la cote, ce qui est clairement aussi un élément d’attractivité fort. Cette attractivité périphérique est une particularité de la géographie du pays de Brest, entouré par la mer.

Notre territoire de vie au sens large se particularise donc par cette double attractivité qui conduit à avoir tissé des espaces de vie d’une grande diversité, abritant quelques 400 000 habitants.

Eviter le saute-moutons

Revenons-en à Brest ! La vacance structurelle brestoise est donc le résultat d’un jeu concurrentiel sur l’attractivité, que peuvent produire des territoires du Pays autres que la métropole : foncier moins cher, terrain à bâtir plus grand, pas de charge de centralité, proximité de la côte ou d’espaces naturels, tout en conservant une proximité avec la ville centre et ses attraits en terme d’emploi, de commerces, de santé, d’éducation ou de distractions.

Donc pour regagner de la population, ou à minima arrêter d’en perdre sur Brest et Bmo, il ne faut pas arrêter de produire des logements et tout concentrer sur le seul enjeu économique, mais bien faire émerger une offre qualitative qui permettent aux habitants qui le souhaitent de pouvoir se loger sur Brest, dans un rapport qualité/prix qui soit acceptable, par rapport à ce qu’ils peuvent trouver ailleurs sur le territoire.

Il faut éviter le phénomène de « saute-mouton contraint » : je trouve un emploi sur Brest et je viens habiter sur Brest en louant sur Brest. Les années passant, je fonde une famille ou je l’agrandis et ne trouvant pas sur Brest d’offre correspondant à mon budget et mes attentes, je pars habiter ailleurs, alors que cela n’était pas mon choix initial.

Que l’on ne se méprenne pas sur le propos, il ne s’agit pas d’opposer les communes en fonction de leur taille ou de juger des choix faits par les ménages en termes d’implantation. Il est tout à fait normal que certains préfèrent habiter en dehors des grands centres urbains et que d’autres s’y trouvent bien. C’est d’ailleurs la diversité de ce territoire qui en fait sa richesse. Simplement, il est important que ceux qui aujourd’hui souhaitent rester sur le territoire urbain, Brest ou Bmo, puissent trouver une offre qui leur corresponde, à la fois en terme de prix d’accession, mais aussi en terme qualitatif : qualité du bien et services rendus.

Mais pourquoi garder ou développer sa population ?

Basiquement, presque toutes communes cherchent à augmenter leur population pour de multiples raisons, mais la première est peut-être tout simplement parce qu’il est plus facile de gérer un budget communal en croissance face à ses administrés, qu’un budget en baisse ! Chaque habitant en plus augmente les ressources de la commune. Cela permet, soit de réduire les coûts par des économies d’échelles, soit de développer les services communaux et s’en prévaloir dans son bilan de mandat. A l’inverse, perdre des habitants, c’est perdre des recettes. Cela signifie soit augmenter l’impôt pour les personnes qui restent, soit arrêter des services auprès de la population (aucune de ses deux dernières options n’est très facile à faire admettre !)

L’exemple le plus flagrant sur le pays de Brest fut le cas des écoles. Sur deux mandats consécutifs, nous avons dû fermer des écoles sur Brest, faute d’effectifs suffisants. A l’opposé, de nombreux Maires du pays de Brest ont ouverts des classes à un rythme soutenu, avec l’obligation parfois de construire de nouvelles écoles. Les communes ont du s’adapter aux changements d’implantation des jeunes familles, dans un sens comme dans l’autre.

La question des enjeux métropolitains

On le voit, les communes se retrouvent dans un jeu concurrentiel entre elles et sont chacune tentées de chercher à jouer la carte du développement. Toutefois, toutes les communes ne portent pas tout à fait les mêmes enjeux. Si l’ensemble des communes du pays de Brest portent les enjeux d’offre d’habitat et de service de proximité, toutes ne portent pas des enjeux d’attractivité et de services métropolitains.

Université, CHRU, aéroport, gare, Quartz (scène nationale), grandes salles de spectacle ou de sport, foire expo, grand stade, ports de plaisance, port de commerce, usine de traitement des déchets, grandes enseignes de consommation, etc… sont aujourd’hui des équipements majoritairement financés par la métropole brestoise (et donc ses quelques 200 000 habitants), alors qu’ils profitent à bien plus que ce seul territoire de 8 communes. Idem sur la stratégie économique ou de communication qui travaille sur l’attractivité de Brest et de sa région vis-à-vis du territoire français et international, elle est aussi majoritairement portée par la communauté urbaine, alors que cela bénéficie à tous ceux qui travaillent sur la métropole et irriguent les tissus économiques de proximité.

Ces services métropolitains existent grâce à des dotations de l’Etat, mais aussi parce que ses habitants les financent via leur impôt. Plus la métropole perdra ses habitants et plus elle sera fragilisée dans son rôle d’animation global du territoire plus large.

Quel sont les enjeux pour les habitants du Pays de Brest ?

Nous sommes un territoire péninsulaire à 2h30 de Rennes, à 3h de Nantes et 5h de Paris. Si l’éloignement est clairement un atout pour la qualité de vie, l’environnement et l’identité, c’est aussi un sérieux handicap quand on parle emploi, économie et attractivité pour les entreprises qui cherchent à s’installer (ou simplement à rester). Le rôle joué par la métropole et la ville centre est primordiale car ce n’est pas un jeu concurrentiel à somme nulle qui se joue, mais un jeu perdant-perdant. En affaiblissant la ville centre, c’est à terme l’attractivité de tout le pays de Brest qui en pâtira, car pour faire venir un parisien, un strasbourgeois, un niçois ou un chercheur étranger à Brest, ce qui est d’abord regardé, c’est la qualité du centre-ville, le tram, l’université, le CHU, etc … C’est dans un second temps que se choisit le lieu de vie, à Brest ou dans une autre commune. Mais ce choix-là ne se fera pas si les personnes décident de ne pas venir à la pointe bretonne.

Alors oui, nous avons besoin de construire de nouveaux logements sur Brest, pour accueillir de nouveaux habitants ou permettre à ceux qui y habitent déjà de trouver l’offre de qualité à laquelle ils aspirent. Nous en avons besoin pour maintenir un niveau de vie et un niveau de services de qualité chez nous, pour l’ensemble des 400 000 habitants du Pays de Brest et même plus loin. Voilà pourquoi le PLU de Brest métropole pose cet objectif de 1300 nouveaux logements par an, avec 50% en renouvellement urbain et 50% en extension urbaine.

Un objectif de 1300 logements neuf par an

L’objectif de 1300 logements neufs par an résulte bien de l’analyse de la situation. Tous les ans, si la communauté urbaine de Brest ne faisait rien, nous verrions disparaitre un peu plus de 1% des habitants dans un phénomène appelé le « desserrement des ménages ». Pour simplement conserver notre population, c’est donc 900 logements qu’il faut construire par an sur Brest métropole. Les 400 logements supplémentaires correspondent à un objectif modéré de croissance de la population de +0.5% par an, afin de rétablir un peu l’équilibre perdu les 10 dernières années et de profiter aussi de la croissance démographique bretonne et du Pays de Brest dans son ensemble.

L’objectif volontariste de 50% des constructions de logements en renouvellement urbain repose sur l’ambition de maitriser l’étalement urbain. Dans une région où l’agriculture est un des premiers secteurs de l’économie, consommer des terres agricoles pour l’urbanisation revient à se tirer une balle dans le pied ! Il est donc impératif qu’une partie de la ville se reconstruise sur elle-même. Cela ne se fait évidemment pas sans mal. Les coûts sont plus importants et l’impact sur le voisinage plus prégnant. Il n’en demeure pas moins que ce choix est guidé par des enjeux de maintien de l’emploi agricole, mais aussi écologiques forts.

Concernant les extensions urbaines, majoritairement portées par des ZAC sur Bmo, l’objectif de densité à l’hectare vise à limiter l’étalement urbain. Ce type de logement correspond à une attente auquel il nous faut répondre, mais il est important que la production neuve de ce type vise à l’efficacité au regard des espaces consommés.

Contrairement à la critique qui est souvent portée, urbanisme et économie ne s’opposent pas mais sont au contraire dans une grande complémentarité dans l’ambition portée sur l’attractivité de notre territoire. Notre qualité de vie et le bon niveau de service à la pointe bretonne sont le fruit d’un travail de coopération et de concertation sur tout le Pays de Brest depuis de nombreuses années, notamment au travers du SCOT. Il est important que ce cap soit gardé, car chaque renoncement en la matière se paye au prix fort, quelques années plus tard. C’est le sens de la politique sur l’urbanisme réalisée sur Brest métropole et sur le Pays de Brest.

Photo : F. Le Mouillou/Brest métropole océane

Notes

[1La notion de Pays de Brest est liée au périmètre des communes où plus de 60% de la population dépendent de Brest métropole et terme d’emploi,