Force est de constater, avec le recul, que les actions sont loin d’être à la hauteur des attentes. Pourtant, la dynamique était là, et le premier projet de loi dit « Grenelle 1 » avait été voté à l’unanimité des députés à l’Assemblée Nationale. De grands chantiers devaient être lancés, des orientations fortes étaient affirmées et on promettait des investissements à hauteur de 450 milliards d’euros pour 600 000 emplois créés à l’horizon 2020.
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ? Il y a quelques mois, un comité d’experts dressait un « bilan d’étape » du fameux Grenelle. Son constat est sans appel : sur 268 décisions initialement prévues, seules 52 mesures ont été réalisées, ou ont commencé à rentrer en application, soit moins de 20 % du total des mesures. A un an des présidentielles, autant dire qu’il ne reste plus beaucoup de temps au gouvernement Fillon s’il espère rattraper son retard.
Et du retard, il y en a ! Certes, certains domaines ont connu de vraies avancées (construction neuve, transports en commun en site propre...). Mais, globalement, on est loin du compte. Pour ne citer que quelques domaines :
• Pour le logement, la réhabilitation, l’isolation et la rénovation de l’ancien n’est clairement pas au niveau des engagements pris. L’objectif était de 400 000 logements par an en 2013, on est aujourd’hui à moins de 250 000.
• Dans le transport, de vrais progrès ont été fait pour les transports en commun en site propre (notamment la construction de tramway, dont profite Brest, par exemple...). Mais rien que sur la question ferroviaire, le grand échec est sans nul doute celui du fret. Les marchandises continuent à transiter de plus en plus par camion plutôt que par le rail, et aucun effort n’est fait pour inverser la tendance.
• Pour la biodiversité, le cœur du grenelle, c’est la trame verte et bleue, continuité de zones naturelles (terrestres ou aquatiques) sur nos territoires. Cette trame à beaucoup de mal à se mettre en place dans l’hexagone. Elle n’est pas opposable, il n’y a donc pas d’outil juridique pour la promouvoir, ni de financements prévus. A noter que le Pays de Brest est particulièrement volontariste dans le domaine puisqu’il s’est donné les moyens, grâce au SCOT, de protéger et renforcer cette trame. En la matière, la feuille de route du gouvernement est aujourd’hui particulièrement floue, sans objectif chiffré ni de leviers concrets pour agir efficacement.
• En ce qui concerne l’agriculture biologique, le grenelle prévoyait 6 % des surfaces en 2012, comme cela existe déjà dans beaucoup de régions d’Europe. On sera a seulement 4 % des surfaces. Par ailleurs, le recul des pesticides, en dehors d’initiatives locales comme le plan écophyto en Bretagne, n’a pas eu lieu.
• Les entreprises devaient initialement faire un bilan carbone, compte de leurs émissions de gaz à effet de serre. Finalement, elles ne sont obligées, en dessous de 5000 salariés, que d’estimer les émissions directes, alors que pour certaines les émissions indirectes représentent 80 % des émissions totales.
• Le volume de déchets par habitant ne se réduit pas, faute de discussion, d’incitation ou de contrainte sur les fabricants. Ce qui ne va plus aux ordures ménagères part vers le tri ou en déchetterie. Si le tri progresse globalement, on est loin de l’objectif de réduction de 7kg par personne et par an annoncé à l’époque par Jean-Louis Borloo.
• En matière de fiscalité, de nombreux outils étaient prévus, notamment l’écotaxe poids lourd, reportée au moins à 2015, ainsi qu’une taxe carbone. Les formules proposées par le gouvernement n’ont pas réussi à résoudre le problème de justice sociale que peuvent poser ce genre d’instruments, et ont soulevé de vives critiques, y compris une censure du conseil constitutionnel. Faute d’être aménagés pour être acceptables, ces dispositifs incitatifs ont été purement et simplement abandonnés.
• Enfin, la loi Grenelle 2 revient largement en arrière par rapport aux ambitions portées par le Grenelle 1. Elle est, plus que jamais, un recul de l’Etat et de la puissance publique comme facteur de régulation, et laisse plus de place au marché comme hypothétique solutions aux problèmes environnementaux. Avec, au passage, des reculs dramatiques, comme sur le prix de rachat de l’électricité produite par l’énergie renouvelable qui a porté un coup terrible à ce secteur en plein développement et prometteur en emplois.
Ce ne sont que quelques exemples des échecs et des renoncements du Grenelle. La dynamique était bonne. L’appel du président à un « new deal écologique », positif. Les socialistes avaient voté le Grenelle Environnement à l’assemblée. Mais faute de volonté politique, faute de capacité à pouvoir transformer les ambitions soulevées collectivement en projets concrets, la montagne a accouché d’une souris et aura généré découragement et désengagement de la part des acteurs initialement sollicités.
Ainsi, le 22 octobre 2010, une dizaine d’associations (dont Greenpeace, WWF et la LPO) impliquées dans le processus dénonçaient, dans une déclaration commune, l’absence d’applications concrètes et l’abandon des « mesures efficaces ».
Au final, la lutte contre le réchauffement climatique, pour la biodiversité et contres les pollutions souffre gravement de ce manque de moyen, et dépend plus que jamais d’initiatives locales et de volontés politiques portées par certaines collectivité, à leur frais. Faute de moyens et de dynamique nationale, nos territoires sont donc très inégaux dans leurs efforts faits pour avancer sur ces sujets, pourtant cruciaux pour l’avenir de notre planète et la santé des générations à venir.